schema Émetteur BLU phasing 40 et 80 m à tubes

Depuis plusieurs années, le matériel pour réaliser des montages à tube est redevenu disponible grâce à Internet. Les tubes ayant le meilleur rapport qualité-prix sont des tubes  russes n'ayant pas eu d'équivalence exacte en Europe ou en Amérique. Grâce à Internet, il est facile de trouver les caractéristiques de ces tubes. Maintenant que la technique radio n'est plus à la mode, ayant été balayée par l'informatique, il est aussi difficile de trouver des composants semi-conducteurs pour la radio que des composants pour les lampes. Alors lâchez-vous : revenez aux tubes ! Les tubes à vide ont l'avantage d'être robustes, souvent de caractéristiques non critiques, et de présenter des impédances élevées. Ce sont donc des composants idéals pour la radio analogique en HF si on oublie leur taille, leur dissipation calorifique et la nécessité d'employer des tensions élevées dès que de la puissance est nécessaire. Avec les lampes, le nombre de composants pour un montage, est nettement moindre qu'avec des semi-conducteurs sauf s'il existe une puce toute faite. Mais alors, il ne s'agit plus d'une construction amateur, mais du fabricant de la puce. Je me suis donc remis avec bonheur aux constructions à tubes. Voici en description un émetteur BLU (SSB) pour les bandes 40 et 80 m dont la totalité des composants se trouve sur internet, en particulier sur les sites de ventes aux enchères.


Cet émetteur BLU repose sur la technique phasing. En scindant le signal audio en deux sources déphasées de 90° puis, en modulant 2 sources radiofréquences déphasées elles aussi de 90°, il est possible d'atténuer facilement la bande latérale supérieure ou inférieure. Cette technique nécessite donc un déphaseur R.F. et un déphaseur A.F. associés à deux modulateurs équilibrés. Mon émetteur n'emploie donc aucun filtre à quartz ou mécanique.

Circuit AF
Il est constitué de deux tubes 6N3P, ce qui correspond à quatre triodes. Les 2 premières triodes amplifient le signal provenant du microphone. La quatrième triode est utilisée dans le circuit déphaseur audio fréquence. Le déphaseur proprement dit comporte quatre condensateurs de 22 nF et quatre résistances de 2,2 kohm, 4,7 kohm, 10 kohm et 22 kohm. Ce déphaseur doit être attaqué par deux signaux en opposition de phase et d'amplitude différente. La valeur de la résistance cathode (2,2 kohm) ainsi que celle de la résistance d'anode (11 kohm réalisée avec 10k et 1k en série) de la triode d'attaque doivent donc être strictement respectées. Je n'ai utilisé que des composants à 5 % de précision. La plus grande difficulté est de trouver des condensateurs de 22 nF supportant 300 V. Si ces condensateurs ont une précision moins bonne que 5 %, je conseille de s'en procurer une dizaine et de les trier pour prendre les quatre condensateurs les plus proches des 22 nF. Ce déphaseur peut attaquer directement les modulateurs équilibrés du fait de sa relativement basse impédance.

Générateur BLU 9,216 MHz
..Ce circuit comprend une double triode 6N3P. La première triode est une oscillatrice pilotée par un quartz de façon classique. La deuxième triode est un étage tampon avec une sortie basse impédance sur la cathode. Le déphaseur R.F. est constitué de deux bras formés par un condensateur et une capacité en série. L'impédance du condensateur doit être identique à la valeur de la résistance pour la fréquence R.F. concernée. Les résistances de 78 ohms sont formées par 3 résistances en parallèle (100-470-1k5). Chaque sortie du déphaseur R.F. est raccordée à une sortie du déphaseur A.F. pour attaquer le modulateur. Les résistances ajustables 1 kohm permettent de parfaire l'équilibre afin d'éliminer au mieux la porteuse. Leur réglage n'est toutefois pas critique. Les quatre bobines utilisées sont des inductances miniatures du commerce. Ce nombre élevé d'inductances est nécessaire pour éviter l'emploi d'une bobine à point médian introuvable dans le commerce. Les condensateurs ajustables de 90 pF servent à accorder le modulateur sur 9 MHz. L'interrupteur « Tune » permet, quand il est ouvert, de déséquilibrer le modulateur et donc de laisser passer la porteuse ce qui permet de régler l'émetteur.

VFO - mélangeur – driver

Le VFO utilise une lampe 6N23P identique à l'ECC88. La première triode est un montage Colpitts classique. Des valeurs très importantes de capacité sont utilisées pour obtenir une stabilité en fréquence correcte. Les condensateurs fixes faisant partie du circuit d'accord (C1 et C2) sont en mica argenté. Il faut employer les valeurs les plus élevées possibles (4700 pF pour 2 Mhz et 2200 pF pour 5 MHz). J'utilise des condensateurs d'appoint de faible valeur pour caler exactement la fréquence. La totalité du circuit oscillant (bobines, condensateurs fixes, condensateurs variables, condensateurs ajustables) est commutée sur 5,616 MHz ou 2,166 MHz pour obtenir une émission sur 3,6 MHz ou 7,050 MHz.  J'emploie un condensateur variable de 2X 300 pF. Une cage est utilisée pour les 2 bandes, avec en série un condensateur de 400 pF pour étaler toute la bande phonie du 80 m (VFO  5,616 à 5,416 MHz). Pour couvrir le 40 m, il faut y ajouter la deuxième cage (VFO 2.166 à 2.016 MHz).

La deuxième triode est un étage suiveur pour obtenir une sortie à basse impédance qui attaque le tube mélangeur 6K13P. Il s'agit d'un tube à grille cadre identique à l'EF183, permettant un grand gain. Le potentiomètre situé dans le circuit de la cathode sert à choisir le point de polarisation. Le réglage de ce potentiomètre doit donc être accessible. La première grille reçoit le signal provenant du modulateur équilibré. Le signal BLU sur 40 ou 80 m est disponible dans le circuit anodique de la lampe. Remarquez le condensateur de 470 pF qui relie la cathode du tube mélangeur à la masse. Ce condensateur est indispensable pour diminuer au maximum la contre réaction induite par l'absence de découplage de la cathode. Ce condensateur augmente donc très nettement le gain de conversion, sous réserve qu'il n'atténue pas trop le signal venant du VFO. Sa valeur est donc relativement critique.

Le couplage entre la lampe mélangeuse et le driver est critique. Le plus efficace est un circuit en pi accordé avec une faible capacité. Avec ce circuit, la tendance à l'accrochage est extrêmement faible et l'excitation du driver est maximum. Les bobines employées sont des inductances miniatures du commerce. L'ensemble inductance - condensateurs est commuté pour chaque bande. Il ne faut aucun accrochage sur charge fictive. Le potentiomètre de 47K permet de supprimer certains accrochages qui surviennent sur antenne réelle en amortissant le circuit oscillant. Bien mis au point, l'émetteur doit toujours être stable avec le potentiomètre réglé à 47K.

Le driver est constitué de trois lampes 6E5P en parallèle, ce qui augmente la puissance disponible en sortie. La bobine de sortie L3 est réalisée en l'air et est commutée pour chaque bande ainsi que les condensateurs ajustables de couplage. La puissance de sortie est comprise entre 6 et 8 W.


Amplificateur de puissance 50 W

Il est réalisé sur une platine séparée. Il comprend 10 lampes 6P15P en parallèle. Ces tubes sont proches des EL84, mais avec la grille suppressor accessible et une plus faible capacité grille plaque. Pour une utilisation en radiofréquence, il est nettement préférable de relier la grille suppressor à la masse et non à la cathode. Il faut donc de préférence utiliser des 6P15P et non des EL84, d'autant que ces lampes n'ayant été fabriquées que dans les pays de l'Est ne sont pas recherchées par les audiophiles et sont donc bon marchées. Le montage employé est un montage mis au point avec des 6L6 à la fin des années 50. Il s'agit d'un montage où toutes les grilles sont reliées à la masse y compris la grille écran. Le signal d'entrée est appliqué la cathode. Avec ce circuit, sans aucune polarisation, la lampe fonctionne en classe B, le courant de repos étant très faible du fait de la tension nulle sur la grille écran. L'inconvénient de ce montage et de nécessiter une tension anodique élevée. Les essais effectués dans les années 50 ont montré qu'on pouvait doubler voire tripler la tension anodique par rapport à celle utilisée en classe en A. J'emploie une tension anodique de 600 V. Mon alimentation haute tension est réalisée avec de transformateurs d'isolement dont les primaires sont en parallèle et les secondaires en série. En sortie, on obtient 480 V alternatifs qui après redressement et filtrage par une forte capacité donnent près de 600 V. Le circuit de sortie est un circuit en PI réalisé de façon inhabituelle pour pouvoir utiliser en self de choc une bobine d'antiparasitage du commerce sur tore. La bobine L4 est réalisée en fil d'installation 10A (1,5 mm2).


La mise au point de cet émetteur est complexe. Les principales difficultés sont la stabilité en fréquence, l'absence d'accrochage R.F. et l'obtention de la puissance maximale. La valeur des bobines d'accord est toujours critique. Le meilleur rendement n'est obtenu que pour une valeur particulière. C'est la plus grande difficulté de ce montage. Les bobines du VFO sont réalisées en l'air avec du fil électrique d'installation 20 A (2,5 mm2). Un ou deux petits fils électriques entourant les spires permettent de tenir une rigidité suffisante. Pour le VFO, quand tout est au point, il faut encore mettre la colle cyanolite sur les spires pour les solidariser parfaitement. Les bobines du VFO ont un diamètre de 22 mm qui correspond diamètre d'une lampe noval ! Le changement de bande s'effectue sur l'exciteur par des doubles inverseurs miniatures. J'en emploie 4 : pour la cathode et le circuit grille de la triode du VFO, pour L2 avec les condensateurs associés, pour L3, et pour les condensateurs de couplage vers le PA. Un seul de ces inverseurs est mis sur la face avant. En effet, il faut privilégier des connexions courtes. Trois des inverseurs sont donc au milieu des lampes sur la plaque horizontale. Pour éviter tout risque d'électrocution, il est donc impératif qu'aucune haute tension non protégée ne soit présente sur la face supérieure du montage. La bobine L4 du PA est interchangeable sur fiches bananes. Un interrupteur doit être à proximité pour couper la haute tension avant tout changement de bobine. Il faut encore prévoir un système de commutation « réception, réglage de la fréquence, émission ». En position réception, le + 300 V n'est pas appliqué à la lampe mélangeuse et au driver. Dans le même temps, une capacité reliée à la cathode du VFO est connectée à la masse pour décaler la fréquence de l'oscillateur. En position réglage de fréquence, cette capacité est déconnectée de la masse et le + 300 V est appliqué à la lampe mélangeuse. Enfin, en position émission, le + 300 V est aussi appliqué au driver. Rien n'est commuté au PA. J'emploie une antenne différente en émission réception, il n'y a donc pas non plus de commutation d'antenne. Dans un premier temps, il n'y avait qu'un commutateur rotatif 3 positions. Mais le passage en émission était trop lent. J'ai donc mis 2 relais 2RT alimentés en 12V en redressant et doublant la tension filament. Ces relais sont commandés par le commutateur, mais aussi par la pédale du micro via des diodes. Le passage en émission devient donc instantané. Au niveau du récepteur j'ai un interrupteur manuel de stand-by qui coupe la sortie casque et l'arrivée d'antenne. Le montage est réalisé sur des plaques de bakélite cuivrée 20x30 cm. Ces plaques sont fixées sur cadre en bois en forme de U pour l'exciter et de carré pour le PA. Le cadre en bois est réalisé avec des planches de 10 cm de large. Il a fallu blinder ces planches pour l'émetteur. Cela c'est fait facilement avec de l'aluminium adhésif de 5 cm de large vendu dans les magasins de bricolage.

Problématique des déphaseurs

La technique phasing a été essentiellement employée au début des années 50, quand il était difficile de réaliser des filtres à bandes étroites. Elle a ensuite quasiment disparu, pour réapparaître dans les systèmes numériques. En analogique, la principale difficulté de la technique phasing, est la réalisation d'un déphaseur A.F. En effet, le déphasage de 90° entre chaque branche doit être conservé sur toute la bande de fréquence de la parole, c'est à dire de 300 à 3000 Hz, tout en maintenant une égalité d'amplitude.

Le plus simple déphaseur est constitué de 2 branches ayant pour l'une, une résistance en série avec un condensateur (filtre passe-bas) et, pour l'autre, un condensateur en série avec une résistance (filtre passe-haut). A la fréquence de coupure de ces filtres le signaux sont atténués de 3dB et surtout ils sont déphasés de - 45° (filtre passe-bas) ou +45° (filtre passe-haut) par rapport à l'entrée. On obtient bien le déphasage de 90° entre chaque branche. Ce type de déphaseur fonctionne très bien en R.F. quand la fréquence est fixe. Par contre, ce déphaseur est inadéquat pour les fréquences audios. En effet, dès qu'on s'éloigne de la fréquence de coupure, l'égalité d'amplitude entre chaque branche n'est pas respectée puisqu'il s'agit d'un filtre passe-bas et d'un filtre passe-haut. Il est donc impossible d'obtenir une véritable émission BLU avec ce type de déphaseur en audio. Effectivement, j'ai réalisé un émetteur avec un tel déphaseur A.F. et les correspondants avaient l'impression qu'il s'agissait d'une émission DSB. Ce déphaseur doit donc être proscrit en A.F.

Juste après guerre, plusieurs déphaseurs passifs optimisés pour tout spectre de la parole (300 3000 Hz) ont été décrits. Le montage fondamental a été décrit par Robert Dome W2WAM en 1946. Ce circuit comporte 6 résistances et 6 condensateurs. Il est attaqué par 2 signaux de même amplitude, mais en opposition de phase. En 1950, Don Norgaard W2KUJ met au point un circuit encore plus simple avec 4 résistances et 4 condensateurs. Cependant, ce circuit nécessite en entrée 2 signaux en opposition de phase et d'amplitude différente. Certains modèles étaient à l'époque en vente aux USA. Il n'y en a jamais eu sur le marché européen. Ils étaient  difficiles à réaliser, les valeurs des résistances et des condensateurs utilisées ne correspondant pas à des valeurs normalisées. Enfin, ils étaient conçus pour attaquer des étages à haute impédance.  Il fallait donc intercaler un étage adaptateur d'impédance avant les modulateurs équilibrés. Tout cela fait que la technique phasing pour générer des signaux BLU est tombée en désuétude dès les années 60.

Aujourd'hui, les logiciels de simulation permettent facilement de concevoir de façon empirique de tels circuits déphaseurs, avec des valeurs normalisées et une impédance plus basse. Personnellement, j'ai utilisé le logiciel libre Qucs sous GNU Linux pour rechercher des valeurs simples pour le circuit de W2KUJ. Le déphaseur idéal donne deux sources A.F. déphasées de 90° et de même amplitude. Si l'amplitude est différente, la valeur en tension de la bande indésirable est approximativement égale à la moitié du pourcentage d'erreur. Par exemple, si un des signaux A.F. est 10 % plus intense que celui de l'autre canal, le signal de la bande latérale indésirable sera de 0.05 (5%) ce qui correspond à 26 dB. Si le déphasage n'est pas strictement de 90°, la valeur de la bande latérale indésirable est égale à la tangente de la moitié de l'erreur d'angle. Par exemple, si le déphasage entre les deux sources A.F. est de 95°, le signal de la bande latérale non désirée sera de 0,043 (tg 2,5) qui correspond à 27 dB d'atténuation.  Je me suis fixé 20 dB d'atténuation de la  bande latérale supérieure. Quand la puissance émise est de 50 W pour la bande latérale inférieure, la puissance de la bande latérale supérieure émise est donc de 0.5 W. Ce n'est pas une suppression complète, mais cette atténuation me semble bien suffisante pour une réalisation 100 % amateur, de puissance R.F. modérée. Bien entendu, cette situation deviendrait insuffisante avec une puissance de sortie nettement plus élevée (500 W par exemple).

Voici les caractéristiques de mon déphaseur, après simulation avec le logiciel Qucs. Ce logiciel ne permettant pas une étude avec les tubes électroniques, la simulation a été faite avec un transistor. Pour l'adaptation aux tubes, il suffit de multiplier par 10 R2 et R4. J'ai commencé à délibérément choisir 4 capacités de 22 nF, pour acheter un lot supportant la haute tension et ayant une précision de 5%. La valeur de 22 nF a été choisie car elle permet d'obtenir une impédance suffisamment faible de l'ensemble du circuit pour attaquer directement l'étage mélangeur équilibré. Ensuite, la valeur des résistances a été déterminée empiriquement. En pratique je n'ai essayé que des valeurs normalisées de résistance. Du fait de l'emploi d'un élément actif, le circuit n'induit pas de perte (gain proche de 1). La simulation, comme un essai réel, ont montré que le déphaseur pouvait directement attaquer le modulateur équilibré.

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